Lorsqu’on m’a dit, lors d’une discussion entre collègues, que je devais absolument lire
Nous sommes tous mortels, j’ai tout de suite réservé un exemplaire à ma bibliothèque locale. Ce livre explore la dichotomie entre l’objectif des soins de santé (et de la société) de prolonger la vie à tout prix, et le processus naturel du vieillissement, de la fragilité, de la maladie et de la mort [
1]. L’auteur, Atul Gawande, un chirurgien et chercheur en santé publique américain, s’appuie sur ses expériences personnelles et professionnelles pour illustrer l’importance de prioriser le bien-être dans les soins aux aînés. Il soutient que pour mettre ainsi l’accent sur la qualité de vie, plutôt que sur la sécurité et la survie, il faut respecter l’autonomie et les préférences des aînés, et veiller à trouver un sens aux derniers stades de la vie. Je dois admettre que ce ne fut pas une lecture rapide ni facile. Il m’est arrivé de revenir sur certains passages et de réfléchir à mes propres valeurs et à la manière dont ces messages s’inscrivent dans ma formation et ma pratique en tant que diététiste. Les diététistes parviennent avec brio à traduire l’information scientifique complexe en conseils clairs et concrets qui sont adaptés aux préférences et au contexte culturel de la personne, quel que soit le stade de sa vie. Or, la lecture de
Nous sommes tous mortels souligne que c’est possiblement en fin de vie que ces compétences de communication et de counseling sont le plus importantes.
Cinq articles de ce numéro portent sur l’alimentation des aînés, dont trois présentent des exemples convaincants de l’approche holistique que préconise le Dr Gawande. Trinca et al. rapportent les résultats d’un sondage en ligne évaluant les perceptions du personnel des établissements de soins de longue durée (SLD) sur la prise en charge des repas [
2]. Ils ont observé que les soins centrés sur la relation (CR) procuraient plus de satisfaction que les soins centrés sur la tâche (CT), et ont identifié les caractéristiques des établissements et du personnel associées à des pratiques CR lors des repas. Mills et al. rapportent pour leur part les résultats d’une analyse des données de l’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement (ÉLCV) démontrant qu’un niveau plus élevé de participation sociale à des activités communautaires est associé à une diminution du risque nutritionnel [
3]. Par ailleurs, Sandhu et al. présentent une étude de cas illustrant, sous l’angle de l’éthique relationnelle, l’application d’un cadre décisionnel à un résident atteint de malnutrition et de dysphagie graves [
4], et la façon dont ce cadre peut être utilisé pour identifier les valeurs du patient et orienter les décisions difficiles sur les choix alimentaires et nutritionnels.
Les deux autres articles apportent un éclairage supplémentaire sur des enjeux relatifs à la nutrition des aînés. Miller et al. rapportent les résultats d’un audit sur les déchets alimentaires dans un centre de vétérans visant à établir des stratégies individualisées pour réduire les déchets d’assiette, tout en optimisant la nutrition [
5]. Enfin, Drolet-Labelle et al. ont mené des entrevues semi-structurées en ligne auprès d’aînés afin d’explorer leurs perceptions à l’égard du
Guide alimentaire canadien de 2019 et ont fait état d’opinions globalement favorables [
6].
Collectivement, ces articles nous rappellent le rôle vital que jouent les diététistes en aidant les aînés à satisfaire non seulement leurs besoins nutritionnels physiques, mais aussi leurs besoins psychologiques, émotionnels et spirituels.